mardi 19 avril 2011

Extrait du roman "Dans son regard, l'horizon vacillant du large", François Mossmann, Saint-Pargoire, Montpellier


          La nuit s’est déroulée comme je l’avais imaginée : sommeil intermittent, réveils en sursauts, impression chaque fois que le vacarme des vagues interdira tout nouvel endormissement, sans compter cette impression permanente de devoir être sur ses gardes, d’apercevoir des silhouettes hostiles derrière tous les rochers. La chaleur du soleil, trop tôt, alors que je commençais à m’endormir vraiment, m’avait obligé à me déplacer à l’ombre.
          Lorsque je me lève enfin, je me risque, une véritable nécessité, à traverser la plage pour me plonger dans la mer.
          C’est là que je découvre, assis à côté de sa barque, l’homme d’hier soir. Il m’observe tranquillement tandis que, bien à découvert, je tente de masquer ma nudité avec mes mains. Il est revenu m’apporter ma montre qu’il a trouvée au fond de son embarcation. Il me la tend tout en restant dans la même position, m’obligeant à me rapprocher d’une manière qui me paraît vraiment gênante. Il émane de sa chemise une lourde odeur de transpiration. J’essaie d’ébaucher un sourire pour le remercier mais je ne voudrais pas qu’il prenne cela pour l’invite d’une belle étrangère à un rustique autochtone.
          Je me saisis délicatement mais fermement de ma montre qu’il semble ne pas vouloir lâcher tout de suite et suis bien obligée de lui tourner le dos pour chercher un billet dans mon portefeuille. J’ai bien conscience que cette fois, cela sent la provocation, surtout lorsque je m’accroupis pour fouiller dans mon sac.
          Derrière moi, un léger crissement sur les galets me fait me retourner brutalement. Il est là, debout, une bouteille à la main. Un peu décontenancé, il me la tend en marmonnant d’une voix rauque : « Café ? ». Instinctivement, je dis « Non, merci ! », échafaudant en une fraction de seconde tous les pièges que peut receler une telle boisson. Ensuite, après avoir pris le temps de le regarder boire posément, j’ai ajouté, avec un air presque naturel : « Finalement... ».
          – Tu viens de France ?
          – Oui...comment...comment savez-vous ?
          – Eh bien...enfin...les femmes d’ici...et puis...
          Il paraît embarrassé quelques instants, s’appliquant à observer tour à tour la bouteille qu’il tient d’une main usée par le soleil, les travaux pénibles, et ses pieds, eux aussi burinés, chaussés de vieilles tongs en caoutchouc marron.

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